Coucou les loulous !
Cette semaine, je dois répondre à la question « manger des noyaux de cerise ou avaler ses ongles quand on les ronge peut provoquer l’appendicite ».
J’ai 30 minutes chrono pour trouver la réponse, rédiger un petit truc, l’enregistrer, l’uploader et le refiler à Nico pour diffusion dans l’émission roue-libre de ce soir.
Il se trouve que, comme la dernière fois (avec l’histoire de la bière après le sport), je n’ai pas trouvé des masses de réponses là-dessus… Aucune dans mes différents livres de débunkage de mythes (aucune réponse car la question n’y figurait même pas), rien non plus en ligne dans les mines d’or de sites où je trouve habituellement mes pépites (notamment Snopes et The Straight Dope)… Et je crois bien que je viens de pondre la première sérieuse de l’internet mondial à cette croyance, semblerait-il assez peu répandue.
Johan, avoue… Tu l’as inventé de toutes pièces ce mythe ? Ou alors, tu avais des parents très créatifs étant petit 😉
Je plaisante… J’en ai quand même trouvé quelques traces. Notamment sur tous les sites que je recommande à tout le monde d’éviter, comme les Yahoo Answers ou les pseudos-sites de santé qui font l’apologie des remèdes alternatifs sans jamais citer leurs sources.
Bref… Avaler ses ongles ou des noyaux de cerise provoque-t-il l’appendicite ? Pour les rognures d’ongles, on oublie tout de suite. Si vous étiez un éléphant, ce serait peut-être une autre histoire. Mais pour un humain avec ses petits ongles, et qui n’en ronge qu’un tout petit bout à la fois, aucune chance pour la rognure d’atteindre l’appendice. Elle est dissoute par les sucs gastriques de l’estomac avant même de commencer son voyage dans l’intestin. C’est ce qu’affirme le Dr Jacqueline Warnet, hépato-gastro-entérologue, dans une vidéo très sympa qu’on déniche en tapant “cradologie” et “ongles” dans google. OK, c’est juste l’avis d’un médecin, mais devant l’absence criante de témoignages indiquant des déchirures de paroi intestinales dues à des ongles coupants non dissous par les acides de l’estomac, et vu le temps à ma disposition, je suis prêt à accepter cette réponse comme valide. Intox donc, quant aux ongles.
Mais alors, quid des noyaux de cerises ?
Eh ben là, je n’ai pas pu me contenter de ce que je trouvais sur l’internet mondial, même sur des sites relativement fiables. Car ils ne citent jamais aucune source et fournissent des informations contradictoires (genre : le noyau ne pourrait pas entrer dans l’appendice car son diamètre ne dépasse pas 2mm). Or il suffit de passer 2 secondes sur Wikipédia pour apprendre que l’appendice iléo-caecal (c’est comme ça que ça s’appelle, prononcer « cécal ») a une taille variable selon les individus, mesurant de 6 à 12 cm de longueur pour un diamètre de 4 à 8 mm. En termes de géométrie, il pourrait totalement abriter un noyau de cerise.
Oui mais alors… Qui croire… Dans ces cas-là, rien ne vaut une petit papier scientifique à comité de lecture. Ni une ni deux, je me suis précipité sur Google Scholar et à ma stupeur absolue, je suis tombé sur ce papier de 1998, disponible sur Research Gate, intitulé “True Stories” et qui relate une recherche portant sur tous les cas d’appendicite d’Adélaide en Australie en 1972 à 1997. Sur 2224 cas consécutifs d’appendices retirés, 1409 étaient des appendicites aiguës à coup sûr. On a retrouvé une trace de noyau de fruit dans 1 seul de ces 1409 cas, chez une fillette de 3 ans. Un examen pathologique de l’appendice retiré a révélé la présence d’un noyau de fruit, sphérique, d’une taille de 10mm qui n’a pas été analysé avec des moyens modernes (l’article précise, en gros, qu’un vendeur de fruits aurait confirmé qu’il s’agissait bien selon son œil expert, d’un noyau de cerise).
Voilà. Je ne sais pas vous, mais moi, je suis sur le cul. Je m’attendais à pouvoir brandir une belle intox haut et fort, mais apparemment, même si complètement improbable, ce n’est pas complètement impossible de provoquer une inflammation de l’appendice avec un noyau de cerise.
C’est une étude isolée qui n’a jamais été confirmée ou infirmée par d’autres travaux… Et l’histoire de l’identification du noyau de cerise procède d’une méthodologie tout à fait discutable… Alors c’est difficile de trancher. Mais c’est néanmoins une étude tout ce qu’il y a de plus respectable conduite par des chercheurs tout ce qu’il y a de plus sérieux. Et si quelque chose ou quelque’un doit venir remettre cette étude en question, ce ne sera certainement pas moi. Donc… Sur l’histoire du noyau de cerise qui, avalé, peut provoquer une appendicite, même si c’est extrêmement rare et extrêmement improbable, et même si j’y perds ma réputation de M. Intox, eh bien, ça me fend le coeur et ça m’arrache la langue, mais je suis bien obligé de répondre INFO.
La prochaine fois, en lançant un quiz, pensez à moi les amis arrangez-vous pour que je doive répondre intox s’il vous plaît. J’aime servir la science. Dans la joie, si possible. À bientôt, gros bisous !