Billet publié par Marco dans l’épisode# 107, dans le cadre de la semaine thématique sur la mort du C@fé des Sciences
Si comme nous l’avons vu lors du dossier de Taupo sur le vivant , il est difficile de donner une définition indiscutable de ce qu’est la vie , donner une définition indiscutable de la mort, n’est pas chose simple non plus. Commençons par une définition générale. Voici ce que nous dit Wikipédia:
La mort biologique résulte de l’incapacité permanente d’un organisme à résister aux modifications imposées par son environnement.
En termes d’entropie (niveau de désorganisation), il s’agit pour l’organisme de maintenir localement une entropie basse.
Or l’entropie d’un système fermé ne peut qu’être stable ou augmenter d’après les principes de la thermodynamique.
L’organisme doit donc puiser dans son environnement (d’où la nécessité de respirer etc.).
La mort intervient quand l’organisme ne peut plus puiser et maintenir son entropie basse.
La définition juridique
En France, le code de la santé publique donne une définition juridique de la mort de la personne humaine au travers de l’article R 1232-1
«Si la personne humaine présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents:
1° Absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée;
2° Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral;
3° Absence totale de ventilation spontanée».
La définition scientifique
Du côté de la science, les médecins ont constamment changé leurs critères de la mort.
Scientifiquement, on est donc amené à distinguer bien des morts : clinique, cérébrale, physiologique, biologique, fonctionnelle …
1. la mort clinique
C’est la constatation par un médecin des premiers signes indiquant la mort, comme le regard qui devient fixe, avec une dilatation de la pupille qui devient ovale
Autrefois, les médecins constataient la mort respiratoire en mettant un miroir sur la bouche du patient pour voir s’il y avait formation de buée.
Puis vient la mort cardiaque par arrêt du cœur sans qu’on ait réussi à le faire battre à nouveau
2. la mort encéphalique ou cérébrale
Le problème d’une nouvelle définition de la mort est apparu en 1959 à la 23e réunion internationale de neurologie lorsque 2 médecins (Mollaret et Goulon) ont décrit le “coma dépassé” qui survient lors des réanimations.
Les intellectuels ont alors admis que l’homme est plus dans son cerveau que dans son cœur et que tout le corps est “vivant” alors que le cerveau ne fonctionne plus.
3. la mort administrative
Il existe maintenant une définition officielle de la mort en France. C’est celle de la Circulaire Jeannenay n° 27 du 24/04/1968, qui, en fait, reprend mot à mot la description de Mollaret et Goulon de 1959, avec ces trois conditions :
1. la constatation des quatre signes fondamentaux :
– abolition contrôlée de la respiration spontanée
– abolition de toute activité des nerfs crâniens
– perte totale de l’état de conscience, à l’exception des réflexes du tronc et des membres
– un électroencéphalogramme plat pendant trois minutes.
2. l’élimination des étiologies simulatrices comme intoxication, hypothermie, troubles métaboliques …
3. un délai d’observation minimum, mais variable selon l’étiologie, où ces signes sont constants.
Cette définition reste imprécise, il faut que cela dure “un certain temps”.
Depuis on est passé de 3 à 30 minutes d’électroencéphalogramme plat et maintenant à deux EEG à 6 heures d’intervalles par deux médecins différents.
Mais ce n’est toujours pas suffisant. On n’a atteint en fait que la première étape de la mort, mais cette définition légale est importante, car c’est elle qui va permettre des actes tels que le prélèvement d’organes pour la transplantation :
La mort légale précède en ce cas la mort physiologique. On maintient ainsi des personnes en état de mort cérébrale sous respiration artificielle, lorsque le cœur continue à battre spontanément : cela permet de maintenir les organes en bon état en vue d’un prélèvement.
Mais ceci ne se pratique pas ni Japon ni dans la plupart des pays musulmans qui ne veulent pas que l’on prélève des organes sur un corps “le cœur battant”.
De plus, nombreux sont ceux qui considèrent que ce n’est pas une mort véritable.
Le plus révélateur de l’absence de définition incontestable de la mort est l’étude de l’heure du décès portée sur le certificat de décès.
Cela peut être différent selon les hôpitaux : l’heure d’entrée au bloc opératoire pour les prélèvements, l’heure du clampage de l’aorte ou bien l’heure du débranchement du respirateur.
Cette absence de définition de la mort se répercute sur le statut incertain de ces vivants/mourants.
Et cela va de plus en plus se généraliser avec les transplantations d’organes.
Des individus, déclarés en état de mort cérébrale, (donc officiellement morts), continuent à être soignés et nourris (pour éviter la mort physiologique) dans l’attente d’un prélèvement d’organe, parfois pendant plus de 10 jours.
4. la mort physiologique
Celle-ci va s’installer progressivement avec le froid du cadavre et sa pâleur caractéristique puis vient la paralysie et s’installe la rigidité cadavérique.
5. la mort biologique
Arrive ensuite la mort biologique qui suit avec l’explosion des cellules et des tissus, la liquéfaction, la putréfaction avec émission de méthane et d’odeurs nauséabondes, enfin les chairs qui se détachent des os.
Mais ceci ne se produit pas toujours et ne résout pas encore les problèmes des corps incorruptibles, myroblytes, des cadavres parfumés, etc. Ils ont été étudiés en particulier par le Dr. Larcher dans La mémoire du soleil (Désiris, 1990).
6. la mort fonctionnelle
Il reste enfin la mort fonctionnelle, avec l’abolition totale de toutes les fonctions et la mort de toutes les cellules.
Toutes ces définitions amènent à penser s’il ne faudrait pas remplacer “la mort” ( l’acte instantané) par “le processus du mourir”, ou transformation progressive avec bien des étapes successives.
La mort, au sens Scientifique du terme, n’existe pas en tant qu’état soudain et instantané : vivant ou mort. Ce qui existe à sa place c’est un long et lent processus avec bien des étapes qui font que l’on est “de plus en plus mort”.
Ceci est conforme à la définition de Bichat : la vie est “l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort”.
Toutefois il semblerait que ce processus, soit irréversible une fois une certaine frontière dépassée. Cette frontière est difficile à établir.
Par exemple une minorité de personnes considérée en mort cérébrale n’en sont pas mortes.
On dit alors qu’elles étaient en expérience de mort imminente.
Mais, ça, c’est le sujet d’un autre dossier!