Dossier d’Alan dans l’épisode #15.
Parmi les nombreux problèmes auxquels doivent faire face les habitants des pays en voie de développement, s’en trouvent deux qui ont trouvé une solution toute simple:
- De manière un peu marginale, d’abord, le recyclage des bouteilles en PET (ça n’a l’air de rien dit comme ça, mais ce problème est un véritable désastre dans les régions qui n’ont pas les moyens de gérer leurs déchets. Contrairement aux déchets organiques, les bouteilles en plastique sont increvables (voir les estimations de C-More, le centre pour l’océanographie microbienne à Hawaï, même en pleine mer, il faut 100 ans à la nature pour venir à bout d’une bouteille en plastique) et les montagnes de PET ne font que s’accumuler.
- Et le deuxième problème concerné, surtout, le problème de l’eau potable. Plus de 900 000 personnes sur la planète n’ont accès qu’à une eau de qualité sanitaire insuffisante, qui peut désormais être désinfectée à moindre coût;
C’est l’idée géniale et toute simple du professeur Aftim Acra de l’université américaine de Beirut dans les années 1980 qui est à l’origine de cette révolution: “Et si on utilisait les rayons ultra-violets du soleil pour purifier l’eau?”
Comment ça marche?
Plus simple, c’est pas possible, il n’y a qu’à suivre le mode d’emploi:
- Laver les bouteilles en PET, transparentes, avant emploi;
- Les remplir au 3/4 d’eau (contaminée), les refermer, secouer pendant 20 secondes et finir de les remplir complètement (en fonction de la turbidité de l’eau, c’est-à-dire, si elle est pleine de terre, de sable, de sédiments divers, alors il faut la filtrer au préalable);
- Exposer les bouteilles pleines au soleil. (Idéalement, les déposer sur une surface réfléchissante, ça accélère le processus) et attendre entre 6 heures (s’il fait grand beau ou partiellement nuageux) et 2 jours (si très nuageux) et…
- Boire sans risque!
Il n’y a que s’il pleut continuellement que la méthode ne fonctionne pas. Autrement, même s’il ne fait pas très beau, il suffit juste d’attendre un peu plus longtemps et le processus fait son oeuvre. Génial non?
C’est la désinfection solaire de l’eau, SOlar water DISinfection en anglais ou plus simplement la méthode SODIS.
Que se passe-t-il exactement dans la bouteille?
Les bactéries (comme les E-Coli et les salmonelles), qui sont très sensibles aux rayons UV-A, sont rapidement détruites par la lumière solaire.
Les virus (comme le rotavirus, à l’origine de la plupart des diarrhées chez les jeunes enfants dans le monde et le poliovirus à l’origine de la poliomyélite) légèrement plus résistants meurent également en l’espace des six heures recommandées.
Par contre, les parasites sont moins sensibles à la lumière solaire. Alors que les kystes de Giardia (des parasites qui colonisent l’intestin) sont inactivés en l’espace de six heures, les kystes des cryptosporidies (un autre parasite de l’intestin) requièrent une exposition solaire de dix heures. Quant aux amibes, ce sont les infrarouges du soleil qui ont leur peau en faisant chauffer l’eau à plus de 50°.
Ceci dit, la raison précise de la mort des germes infectieux n’a pas encore été entièrement éclaircie. Pour les bactéries, par exemple, les chercheurs supposent que les UV A endommagent leur chaîne respiratoire à un point tel qu’elles ne sont plus en mesure d’assurer leur auto-régénération, mais ce n’est pas encore certain. Tout ce qu’on sait, c’est que ça fonctionne, et c’est déjà pas mal!
Quelles sont les conditions pour que cela fonctionne?
Il n’en faut pas beaucoup en vérité.
- Le système fonctionne même si le ciel est très nuageux (cela prend juste 2 jours au lieu de 6 heures). Par contre, s’il pleut, c’est fichu;
- Les bouteilles doivent être déposées à l’horizontale pendant le processus;
- Les bouteilles doivent être transparentes et incolores (le vert et le brun absorbent la lumière UVA);
- Les bouteilles doivent être relativement neuves (une bouteille usée et griffée utilisée pendant plus d’une année ne laisse plus aussi bien passer les UV et est fortement déconseillée);
- On parle bien de désinfection de l’eau contaminée par des germes infectieux. Si l’eau est contaminée par des substances toxiques, des engrais, du pétrole, bien sûr, la technique ne fonctionnera pas..
- Les bouteilles doivent être en PET (Polyéthylène Téréphthalate) et non en PVC (Polychlorure de vinyle), substance, dont on sait aujourd’hui qu’elle est mauvaise pour la santé. Pour le PET, on l’évoquait dans notre dossier sur l’épigénétique (PodcastScience n°3) en septembre dernier, le transfert de phtalates dans l’eau dépend de la durée contact entre le liquide et le plastique. Exposition de 6 heures dans une bouteille neuve: aucun danger.
Il ne faut pas grand chose pour que ça marche, donc… Evidemment, ce n’est pas aussi confortable que de simplement tourner un robinet, mais bon, tout est relatif, c’est mieux que de choper un de ces vilains parasites tropicaux…
Et le goût?
Eh bien, contrairement à la cuisson de l’eau qui permet à l’oxygène de s’échapper et altère du coup la saveur de l’eau (tout le monde s’accorde à dire que l’eau bouillie, c’est pas bon!), ce processus-ci ne change pas le goût de l’eau. Ce qui peut être un avantage comme un inconvénient, en fonction de son goût naturel…
Qui gère le projet, où en sont les recherches?
La recherche a été reprise par le groupe de chercheurs de Martin Wegelin de l’EAWAG, l’Institut Fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (l’un des 6 établissements des Ecoles Polytechniques Fédérales en Suisse) et le Royal College of Surgeons en Irlande.
La méthode est au point, ce qui compte maintenant, c’est de l’implanter là où il y en a besoin. D’après le site web du projet, www.sodis.ch, déjà plus de 3 millions de personnes traitent leur eau potable avec la méthode SODIS. Malgré cela il y a encore presque 1 milliard de personnes sans accès à l’eau potable. En d’autres termes, il y a encore du boulot! Cela ne nécessite aucune infrastructure, pas de gros travaux. Juste un peu de formation…
Avec 50 francs suisses (38€), on forme 5 familles à la technique
Avec 200 francs suisses (152€), on forme toute une salle de classe
Avec 910 francs suisses (692€), on intègre carrément la méthode SODIS dans les programmes gouvernementaux et des ONGs assurant ainsi que tout le monde dans une région donnée ait toujours accès à de l’eau potable. Les efforts se concentrent évidemment en Afrique subsaharienne, dans les régions reculées de Colombie, d’Inde… Mais les moyens sont limités et les formations ne peuvent pas être dispensées partout en même temps.
Ma proposition, à l’approche de Noël, c’est de remplacer au moins un cadeau idiot et inutile probablement fabriqué par des gosses esclaves en Chine par un petit don au projet SODIS. Pas souvent qu’on milite chez Podcast Science: on choisit nos causes et celle-ci en est une excellente!
Concrètement, pour aider le projet SODIS:
- Toutes les infos sur http://www.sodis.ch/spenden/index_FR
- Contact pour en savoir plus: Regula Meierhofer, donors@sodis.ch
- Compte pour le versement de dons:
30-598667-8
Eawag, SODIS
CH-8600 Dübendorf
IBAN: CH09 0900 0000 3059 8667 8
BIC: POFICHBEXXX
Pour en savoir plus:
- http://www.sodis.ch/index_FR
- http://en.wikipedia.org/wiki/Solar_water_disinfection
- http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sinfection_solaire_de_l%27eau
[Update 10.12.2010]:
A notre connaissance, la plupart des études respectant le protocole scientifique de peer-reviewing ont validé l’efficacité de la méthode:
- http://ashevillecommunity.org/hawker/water/aqua97.pdf
- http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ArticleURL&_udi=B6V73-4F9FPW1-1&_user=10&_coverDate=03%2F01%2F2005&_rdoc=1&_fmt=high&_orig=search&_origin=search&_sort=d&_docanchor=&view=c&_searchStrId=1573941703&_rerunOrigin=scholar.google&_acct=C000050221&_version=1&_urlVersion=0&_userid=10&md5=67be9a8f04a03d8d7de1d40b91d3b5a6&searchtype=a
Ceci étant dit, nous avons également trouvé une étude récente qui, en Colombie, n’a pas constaté de diminution sensible du taux de diarrhée chez les jeunes enfants participant au programme:
- http://www.plosmedicine.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pmed.1000125
Il est donc avéré que la méthode fonctionne mais pas partout. Tous les germes ne répondent sans doute pas de la même manière à la procédure. Si quelqu’un a d’autres informations, nous sommes preneurs !